Si certains disent que les réseaux sociaux sont une perte de temps, de l’amusement, c’est peut-être qu’ils ne savent pas les utiliser. Dans ce cas on rate des occasions de rencontres comme celle de Babatiti et plein d’autres personnes. Partout où nous sommes il est beaucoup mieux de connaître les personnes que leurs personnalités, c’est ce qui nous rapproche les uns des autres.
J’ai connu l’homme il ya seulement quelques petites années et ici sur Facebook. Nous ne sommes pas encore rencontrés mais nos échanges sont comme entre amis physiques de longues dates. Il prend très bien mes blagues et ça fait très plaisir. Un esprit ouvert sous des cheveux qui sont uniques à lui. Ces cheveux…
J’ai toujours pensé qu’il faut rendre service à ceux qui rendent service et ce dans tous les domaines. Il ne faut pas les laisser tout faire sans qu’on ne fasse aussi pour eux. Les mettre en lumière eux aussi, c’est important. C’est dans cette idée que j’ai pensé qu’il fallait qu’il soit un de ces Gens de Guinée. Il le mérite et les Gens de Guinée doivent le connaître lui aussi. Connaître ceux qui tiennent le stylo ou le micro est un autre avantage pour la construction de notre Guinée avec sa diversité.
D’abord j’ai dit à Babatiti écoute mon frère, j’ai une proposition et c’est indiscutable, tu dois dire oui. Je voudrais bousculer dans ton espace Gens de Guinée pour faire un portrait sur ta personne.
Il me dit là tu me fais peur. Je lui réponds c’est comme que ça tu fais peur aux autres aussi? Des rires s’en sont suivis. Il était très surpris, il ne pouvait pas m’échapper, jamais je n’allais pas le laisser faire.
Le rendez-vous pour papoter conclu et son téléphone sonne pour un bon moment de détente.
Alors, on y va pour la découverte de l’artiste des mots et des lettres? Let’s go…
D’entrée de jeu Babatiti me dit: J’aime les gens de mon pays. Te croiser me pousse à te connaître. L’initiative Gens de Guinée est venu à la suite d’un compte Facebook que j’avais créé pour partager les messages des gens.
A la base Babatiti est un romancier. Il avait fait un manuscrit de 2000 examplaires en 2008 et en ce moment même il est sur une oeuvre poétique qui, si Dieu le veut bien sera publiée en Janvier 2024.
Tout a commencé à Dabondi1 pour Babatiti, ce quartier dans la commune de Matam à Conakry plus précisément Dabondi Badè(Bordure de mère à Dabondi). C’est un quartier où habitaient les ressortissants de Saramoussaya Mamou. Tous ceux qui venaient de ce village, trouvaient refuge à Dabondi Badè. Enfant peul du côté de son père et malinkè du côté de sa mère. Mais le jeune ne parlait que la langue malinkè proche du diakankè qui est le Kakabè, celle de sa mère. Bien qu’ayant reçu une éducation peule, il ne parlait pas la langue. Son père a dû s’y faire.
Issu d’une famille polygame, fils d’un transporteur et d’une femme d’affaires dans le tabac. Les deux premières épouses de son père dont sa mère sont des malinkès et les deux autres des peules. Une famille de 20 enfants dont il est le 10ème du côté du père et 5ème du côté de la maman.
Je dis 20 enfants? Il me dit oui chez moi c’était le paradis de la polygamie. Quelle belle expression et bonne sensation je venais de ressentir de lui!
Babatiti a grandi dans l’harmonie. Son père n’était pas fonctionnaire, mais ils étaient à l’aise, mangeaient à leur faim. “Mon père ne voulait que notre réussite. Jamais une seule fois je n’ai entendu mon père se disputer ni avec ma mère ni avec ses autres épouses. Moi j’ai eu du mal à savoir qui de mes frères et sœurs étaient de même mère que moi. J’ai un frère qui n’est pas de même mère que moi, il s’appelle Ibrahima Sadio, les gens nous confondent. Un autre en Allemagne Sifama.”
Malgré tout, le petit homme travaillait pour gagner son propre argent. Son père étant transporteur, il est devenu un habitué du métier.
“J’ai grandi au port autonome de Conakry. Je pouvais y passer une semaine sans aller à la maison et chômer l’école.”
A la naissance c’était Titi Sidibé, du nom de son grand-père maternel Titi Keita. Le papa a voulu ajouter un prénom musulman, donc Moussa, ensuite Baba. Au final on a Moussa Baba Titi
Sidibé.
L’école et Babatiti. Etonnant cela pourrait être, mais le tout petit Babatiti a été exclu deux fois. Une première fois au primaire à Dabondi1 pour impolitesse et aussi au collège Bonfi pour les mêmes raisons. En effet, le jeune avait du mal à l’école, il ne comprenait rien, les mathématiques et la physique le rendaient malade. La table des multiplications n’était pas sa tasse de thé, il ne retenait rien à rien.
De la 7ème année qu’il va redoubler à la 9ème il n’a connu que des difficultés.
De son exclusion du collège Bonfi son père l’envoya au collège Gbessia.
A Bonfi ce n’était pas une bonne époque pour les études mais là-bas il a développé son côté Soussou. Il y a appris beaucoup de choses de la vie.
Du collège Gbessia c’était le retour à Bonfi pour le lycée.
Babatiti n’aimait pas le protocole dans les études, il choisissait toujours la voie la plus rapide à trouver une solution. Tout petit, ses collègues étaient bien plus âgés que lui. C’est au Lycée Bonfi qu’il s’est émancipé dans les études, il est devenu populaire, le chouchou de tout le monde. Son premier surnom a été Le Savant, par ses astuces de la vie, son apprentissage rapide des choses .Tout maigre les filles l’appelaient “sac d’os”.
Les autres l’appelaient grosse tête.
Pourquoi grosse tête sur un sac d’os? A cause de ses cheveux.
Le Babatiti d’aujourd’hui avec ses cheveux pêle-mêle est le même depuis l’enfance.
“Je n’aimais jamais me peigner, me coiffer. Ma tête a toujours été ainsi.”
Enfant gâté par sa mère qui le lavait jusqu’à un âge avancé, le même âge que ses amis se lavaient eux tout seuls. Un jour il a dit ça suffit, désormais je me lave moi-même, parceque ses amis se moquaient de lui. Ils se moquaient aussi de lui parce qu’il avait toujours un gros sandwich en main fait du restaurant de sa mère.
“A Dabondi si tu ne supportes pas les moqueries tu ne peux pas y vivre.”
Mais il se souvient de ce jour quand un de ses amis est venu le trouver entrain de croquer dans un gros et bon sandwich. Un ami dont les parents n’avaient pas les moyens, il a senti que celui-ci avait faim et il lui a tendu le sandwich. La surprise a été pour lui d’entendre: Mon ami si tu me donnes ton sandwich qu’est-ce que toi tu vas manger ?
Enfant gâté mais qui aidait aussi à faire le ménage contrairement à ses frères. Il lavait le sol de la maison et partait au marché pour sa mère. Il mettait toujours ses sœurs aux devants et cela marquait beaucoup sa maman.
Revenons au lycée Bonfi. De là il obtient le Bac1 sciences-sociales. C’est en ce moment qu’il quitte la Guinée pour la Belgique. Ce n’était qu’un coup de chance. Il voyait les gens s’inscrire pour les études en Europe et il décida de faire la même chose. Surprise, il est accepté en Belgique. Le jeune lycéen descend dans un monde inconnu avec de grands espoirs.
Malheureusement la joie pour les études n’a pas duré. C’est le début d’une galère.
“Je suis devenu clandestin.”
En effet, Babatiti est venu en Belgique avec le Bac1. Ce dont l’école ne s’est rendue compte qu’à son arrivée. Ils lui ont dit que s’il a le Bac1 il y a forcément le Bac2. De là son inscription a été rejetée et le pauvre tout jeune, s’est retrouvé à la rue, un sans papier pendant cinq bonnes années.
Mais il faut vivre. Pour cela il est devenu vendeur à la sauvette en compagnie de compatriotes guinéens originaires du Fouta.
Babatiti, de père peul, qui ne s’était pas intéressé à cette langue paternelle en famille, finira par la maîtriser dans ce séjour en clandestinité. La vie joue de ces tours…
Mais il avait quand même pensé à apprendre le Nerlandais dans une école. La clé du bonheur.
C’est lors d’une journée porte ouverte à son foyer qu’une famille Nerlandaise va le récupérer. Il sera obligé de reprendre le lycée. Le nouveau Babatiti émergeait. Il s’est offert à la lecture, la littérature. Il va obtenir son Bac sciences économiques. Parcequ’il était toujours sans papiers, il ne pouvait pas aller à l’université. C’est une école de commerce qui va l’accepter. Dans cette école il va faire la connaissance de sa femme. Après ce cycle il va aller à l’université pour une année. Entre temps il avait été régularisé. Un jour sa femme lui dira qu’il doit retourner à l’université car il a quelque chose en lui qui a besoin d’être développé. Un soutien de taille pour lui. Il travaillait en ce moment dans le métro bruxellois.
A la base Babatiti a voulu être philosophe, mais galère sévissant il ne pouvait pas tenir, il a donc décidé de continuer dans les études de droit.
Vous avez Titi diplômé en droit public, droit bancaire et financier, droit des assurances. Expertise de 10ans en droit de la consommation, ce qui lui a permit de créer Kompini(ainsi dit pour retrouver la page Facebook).
Par force majeure, il pratique le droit de la famille en faveur de la communauté guinéenne pour les procédures de logement, asile etc…Il se prépare à écrire un livre à ce sujet.
Titi a aussi accompagné beaucoup de femmes dans des dossiers sur l’excision dont il a aussi une bonne connaissance. Au début il pratiquait également le droit immobilier. A rajouter dans la pratique d’aujourd’hui, le droit des contrats, droit de successions.
Babatiti grand homme de droit, souhaiterait changer le système médical en Guinée. Paradoxe? Allons comprendre.
Des membres de la famille de Titi sont décédés en Guinée à cause des erreurs médicales il dit. Le coeur tellement serré comme si c’était aujourd’hui.
D’abord son père. Suite à un accident de la circulation, son feu père allait avoir la jambe cassée avec des complications. Il va être opéré mais malheureusement les médecins n’ont pas pensé à faire des examens supplémentaires entre autres la vérification d’une hémorragie interne. Il était costaud il dit.
“Mon père pouvait tenir je sais.”
Il rend l’âme le 22 Mai 2003.
Depuis que Titi est arrivé en Belgique, il ne se passait pas 3 jours sans appeler sa maman. Malheureusement c’est le dimanche 4 novembre 2015 qu’il viendra la trouver dans le coma à l’hôpital à Conakry.
Au préalable, il avait été informé de sa maladie, c’était une blessure au pied. Il ne cessait d’envoyer des médicaments mais rien ne changeait et on ne voulait pas lui dire l’étendue de la maladie. C’est dans cette situation qu’il va décider de venir au pays. Il travaillait à distance. Le matin du 2 décembre 2015, son petit frère vient le chercher à la maison mais il ne lui annonce pas la mauvaise nouvelle. C’est à la porte de la clinique que le gardien lui dira les condoléances. Il n’a rien compris. A la confirmation du décès, il perda la tête et voulait tout casser, brûler. Deux erreurs médicales avaient emportées ses deux parents.
Comme si ce n’était pas tout, entre ces deux il y a eu deux autres cas.
Le frère ainé chez sa mère, Macka Sidibé décédait le 26 Novembre 2011 après une année de maladie sans qu’on ne puisse établir un diagnostic. Trois ans après c’est sa femme qui rend l’âme dans les mêmes conditions.
“Tous les médecins ne sont pas mauvais mais il ya un grand besoin de changer le système médical en Guinée. C’est ce qui m’a amené en politique bien qu’étant juriste. Ma mère savait que je ne pouvais pas faire la médecine car je ne supporte pas la douleur ou voir la douleur.”
Paix à chacune de leur âme. Amen.
Dans le parcours professionnel de Titi, un fait lui a marqué. Un jour il rencontre une grand-mère congolaise. Il lui demanda de lui raconter sa vie. Celle-ci étonnée lui demanda pourquoi. De discussion à discussion il finira par tout lui dire.
“Ce fait a changé sa vie et a changé la mienne.”
Il nous en dira plus un jour s’il plaît à Dieu.
Papa attentionné, très attentionné.
Père de trois enfants. Le premier est né en 2006.
“Je l’ai éduqué à la dure lui.” Il vient récemment de décrocher son examen d’entrée en médecine. Un examen très difficile en Belgique.
La deuxième est de 2013. La troisième le 1er Décembre 2016 soit une année “jour pour jour” après le décès de la grand-mère.
La quatrième en 2018.
“Je suis un papa qui passe du temps avec ses enfants. Ils ne sont pas vraiment allés à la crèche. Etant au barreau, j’ai quand-même poussé un peu ma carrière de côté pour être avec mes enfants à la maison. Je faisais de la consultance. Avec les filles je ne suis pas strict. Le temps qu’on passe ensemble c’est pour rigoler et rien d’autre.”
J’ai demandé à Titi ce qu’il pense des réseaux sociaux. Il dit:
Chanceux d’être là. Je reçois tellement d’amour que je pense que je ne mérite pas tout ça. Moi je préfère passer incognito, je sais que c’est contradictoire selon ce que j’écris. Franchement les réseaux sociaux sont un plaisir avec toutes ces affections envers ma personne. La dernière fois que je suis allé en Guinée j’ai rencontré bien plus de personnes des réseaux sociaux que ma propre famille.
Que penses-tu de:
Elhadj Diallo
“Mon ami de plus de 25 ans. On se voit peu mais on sait qu’on est là l’un pour l’autre. Je l’ai connu quand je faisais du théâtre.”
Makalé De Chico Sy
“Elle m’a fait aimer ce que je fais. C’est l’Américaine qui te met sur un piédestal. Une sœur dont je suis amoureuse. On se comprend sans se parler.”
Diallo Aziz
“Quand tu dis Guinéen tu penses Aziz. Il représente la Guinée pour moi.”
Madian Fria Diallo
“Si tu veux compter sur une personne, prends la avec toi. Une dame qui ne trahit jamais. Elle te grandi même en ton absence.”
Elhadj Kandjoura Camara
“Frère spirituel. Nous avons le même langage de la culture, les mots et leurs senses.”
Kadija Naby Diakité Diallo
“Vraie sœur sur les réseaux sociaux, gentille sœur.”
Gongoloma Soké Daikhabeh
“Je lui en veux d’avoir arrêté le journal fêlé. Avec l’immense talent qu’il a, il ne devait pas.”
Zenab Fofana-Martin
“Une belle rencontre pour moi. J’ai aimé faire son portrait, c’est une personne qui m’a touché par son humanisme”
Décris toi en une phrase et dis ton mot de la fin.
“Je suis Guinéen, passionné de littérature, romancier et créateur.
Je veux dire merci à la générosité de mes compatriotes, l’amour, le respect. C’est compliqué pour moi à gérer. Je sais que mon entrée en politique n’a pas plu à tout le monde et pas facile pour mon image. Mais j’espère franchement qu’on me comprends et respecte ce choix.”
Que pensez-vous de Titi ?
-Titi un ami, un frère, un collaborateur extraordinaire, on ne peut pas le côtoyer sans apprendre de lui. D’une gentillesse sans limite je prends un plaisir fou à le taquiner. Je remercie Dieu de l’avoir dans mon cercle restreint. Je lui donnerai sans réfléchir la nationalité de Fria. Ma famille et moi l’aimons trop.
-Humain, infiniment humain franchement
-Un amoureux de la Guinée parfois dérouté par les événements du pays : il oublie parfois que la Guinée doit être prise avec ses particularités si nous voulons trouver une solution pérenne, ce qui lui vaut souvent des découragements face aux événements du pays.
-Un modèle de guinéen chez lequel l’ethnocentrisme n’aura jamais une place , pour ça je l’admire sincèrement.
-Un gars qui a bon cœur
Il est tjrs présent pour aider.
-L’impertinence dont peut se prévaloir maître est le bouclier qui protège un être sensible, d’une grande générosité, doté d’un bon sens humain élevé.
-Lorsque j’ai rencontré Maître Titi pour la première fois, j’étais frappée par son langage corporel. Lorsque tu lui parle, il fixe le sol. Au début je pensais que c’était par timidité. À la longue j’ai compris que c’était sa façon à lui de se concentrer sur sur votre échange. Il est capable de te raconter plusieurs jours après votre conversation au virgule prêt.
Un homme au grand cœur, disponible, aimable avec un grand sens de l’humour et de l’autodérision.
-Attentionné, authentique, agréable, doux, prévenant, humble, fidèle en amitié, sensible, Titi exècre l’injustice et encense le mérite et le travail bien fait.
-Je ne sais pas où commencer. C’est un génie de l’écriture. Lui seul peut me faire faire de longues lectures avec son style unique à lui. Je l’aime et le respect. Ensemble dans le mouvement Amoulanfe j’ai su qu’il avait de l’amour pour son pays et voulait son progrès. Par ses écrits il a essayé d’apporter une sorte de révolution. Fan numéro une aux États-Unis c’est moi.
-Je lui pardonne tout.
Cette note de pardon et tous ces témoignages mettent un point à cette édition spéciale, cette hors-série, cette présentation du présentateur de Gens de Guinée.
Thanks a million my friend. I hope people like it and most importantly you. I just thought you deserved it after 28 éditions of your People of Guinea and more to come. Really looking forward to meeting you in person one day inshAllah. Until then, keep your hair and take care of your self. Grosse tête sur un sac d’os 😛
I’m out. Peace